Cycle « Madrid : Le cinéma sur un plateau »

Madrid : Le cinéma sur un plateau

Depuis les terres navarraises arpentées l’an dernier, nous gagnons une nouvelle région, une capitale, un « village », le cœur de la Castille, le poumon du cinéma espagnol, le carrefour d’une Espagne qui ose et grandit. Nous franchissons le périphérique M-30 et faisons escale dans une ville en plein essor, une métropole sur qui les yeux du monde entier se braquent de plus en plus. Un voyage en 15 longs-métrages et autant de courts-métrages, une invitation proposée en collaboration avec le Gouvernement de la Région de Madrid.

Madrid ? Ouverte sur le monde, métisse, patchwork, plurielle et culturelle. Madrid ? Son Académie espagnole du Cinéma, son École de Cinéma et d’Audiovisuel (ECAM), sa Cinémathèque, son Cine Doré… en somme, un véritable plateau de cinéma à ciel (bleu) ouvert peuplé de taxis blancs et d’autobus rouges. Un plateau qui cache, derrière ses grandes artères, son architecture monumentale et sa frénésie, une main tendue au visiteur, à l’étranger, à l’immigré de l’intérieur (Sillons / Surcos, José Antonio Nieves Conde – 1951), à l’autodidacte. L’exemple de Pedro Almodóvar le prouve. Lui, loin de tout académisme, qui a su saisir la mouvance madrilène des années 80, décoiffer cette capitale et la faire connaître aux yeux du globe (Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier – 1979). Lui qui, arrivé à la fin des années 70 à la « capi » comme employé chez Telefónica, y a tourné douze de ses dix-sept films. À la manière d’un Woody Allen pour New York.

À cette époque s’amorce une mutation qu’un autre film du réalisateur de la Mancha illustre très bien : En chair et os / Carne Trémula (1997). On y voit notamment l’élégante silhouette d’Ángela Molina se débattre dans les ruines de La Ventilla aux pieds bétonnés des tours Kio qui faisaient la grandeur économique de la ville. La Puerta de Alcalá, la Puerta del Sol ou encore la Plaza de Cíbeles sont autant de lieux « cartes-postalisés » au générique, insufflant une dimension historique au film et laissant transpirer un propos politique, un regard sur le Madrid de Franco.

C’est aussi à cette période qu’un certain Fernando Trueba fait ses premières armes dans un Madrid reconverti en miroir d’amours complexes. Époque qui voit la majestueuse avenue centrale se rebaptiser Gran Vía, tout juste centenaire aujourd’hui et immortalisée, entre autres, par l’acteur Santiago Segura, accroché à l’énorme enseigne Schweppes dominant la rue dans Le jour de la Bête de Álex de la Iglesia (1995).

Au-delà du Madrid almodovarien, la capitale affiche une offre culturelle pléthorique, allant du théâtre à la danse en passant par les musiques actuelles et bien sûr le cinéma, avec pas moins d’une quarantaine de salles obscures. Cet éventail, incarné en parcours « Nuits Blanches » – inspirées de celles inventées par Jean Blaise – explique la venue de nombreux artistes en herbe cherchant à débuter dans leur domaine de prédilection et à se faire adopter. Si personne n’est de Madrid – hormis les « gatos » – tout le monde semble trouver sa place dans cette mégapole de trois millions d’âmes, et se l’approprier. La culture participe d’une certaine réconciliation entre la capitale et le reste du pays. Elle devient du moins l’argument touristique phare d’une ville qui voit son avenir dans le regard que les voyageurs portent sur elle.

C’est par exemple en théâtre d’un amour francisé que Jonás Trueba aime à décrire et filmer sa ville dans Toutes les chansons parlent de moi / Todas las canciones hablan de mí (2010). Madrid est aussi la toile de fond du carrefour tragico-sentimental de Juana Macías (Des projets pour demain / Planes para mañana – 2010) ou du trio amoureux de Châteaux de sable / Castillos de cartón (2009). Madrid est encore le plateau d’un amour renversé et impossible entre un groom et une fan des Beatles (L’amour nuit gravement à la santé / El amor perjudica seriamente la salud, Manuel Gómez Pereira).

Si Madrid se vit en terrasse – à Lavapiés, La Latina ou Chueca –, elle se visite aussi côté courts. Entre les dalles, naissent de jeunes pousses qui commencent souvent par la voie du court-métrage. L’ECAM soutient ainsi les travaux de ses élèves en les compilant. Le Gouvernement de la Région de Madrid n’est pas en reste avec une sélection intitulée «Madrid en corto ». La 21e édition du Festival, ne pouvant donc passer à côté des talents madrilènes, déclinera en deux séances de courts ces « opera prima ». Trois d’entre eux, La rubia de Pinos Puente, Cuando corres et El orden de las cosas concourront pour le Prix Erasmus du Meilleur Court-Métrage parrainé par le Conseil général de Loire-Atlantique.

Madrid ? Une ville de cinéma, une ville où une séance de cinéma vient conclure une après-midi au parc du Retiro, une tapa dans le quartier des Austrias, une virée au marché du Rastro, une journée à la Casa de Campo.

Madrid ? Sur un plateau, derrière ou devant la caméra. Vous aussi, vous serez un peu madrilène, le temps d’une quinzaine de jours où Nantes se met de nouveau à l’heure espagnole.