EDITO

« Au-delà du réel »

L’air sent le diesel et les magnolias ; la voiture fait un travelling dans une avenue monumentale, stoppe à l’hôtel. Nantes ou Madrid ?

Des phares éclairent des venelles en escargot : nous sommes au cœur d’un film (En 80 jours), des cafés sombres au sol dallé de noir et blanc (Elisa K), des labyrinthes de couloirs (La moustiquaire), le vieux quartier des terrains vagues et des couteaux (Balada triste de trompeta), des portes faites de la substance même de la nuit (Pain noir), des trains fuyant vers un ailleurs de liberté (Cocottes en papier) et, à l’horizon, un port désaffecté… une montagne de sel au lointain (La moitié d’Oscar). L’aurais-je lu, rêvé ou vu au cinéma ?

Quelques vagues plus tard…

Soixante-dix mondes, comme soixante-dix films (l’Espagne en a produit 113 en 2010), mille mouvements, un million de drames et autant de sourires entrent simultanément dans le champ de cette 21e édition. Cette édition-là tisse, plan par plan, un maillage de tous les territoires : du centre (Madrid au cœur) aux périphéries, un maillage de toutes les générations : entre les maîtres incontestables, toujours présents sur nos écrans (Saura, Bardem, Berlanga, Trueba, Almodóvar) et la nouvelle vague énergisante et créatrice du cinéma espagnol (David Pinillos, Juana Macías, Jonás Trueba, Jon Garaño, José Mari Goenaga, Adán Aliaga, Elena Trapé, Borja Cobeaga). Ce qui unit ces derniers ne constitue pas une école et ne semble pas avoir l’intention d’en constituer une. Ce qui les unit, c’est cette foi dans le cinéma, famille et identité choisies parmi d’autres, la certitude que le cinéma n’est pas seulement une machine à raconter des histoires, un nouveau langage, mais cette bougie, dont parlait Cocteau, promenée dans la grande nuit de l’univers.

Certains critiques espagnols n’hésitent pas, en saluant la moisson 2010, à parler d’un nouveau printemps du cinéma espagnol, à l’instar de celui que l’Espagne avait connu au moment de la Transition : même liberté de ton, d’irrévérence, de subversion, de débordement dans les marges, dans les écritures filmiques, dans les inventions formelles, dans l’élan pour créer, recréer ou tendre des ponts entre passé et présent, des fictions qui se nichent parfois dans les plis du documentaire. Une partie des réalisateurs présents dans cette édition émargent dans ce bouillonnement : José Luis Guerín, Jo Sol, Isaki Lacuesta, Álex de la Iglesia, Jordi Cadena et Judith Colell, Agustí Villaronga, Agustí Vila, Manuel Martín Cuenca.

Une guerre en deux temps

Réalisateurs confirmés ou débutants, mais tous au premier plan de la scène (Álex de la Iglesia, Balada triste de trompeta ; Agustí Villaronga, Pain noir ; Emilio Aragón, Cocottes en papier), sortent la Guerre civile et l’après guerre du front pour la faire rentrer, par l’absurde et le fantastique, de façon iconoclaste, dans les coulisses d’un cirque, d’un théâtre, dans les espaces privés. Clowns, saltimbanques, monstres et enfants deviennent les héros d’un conflit auxquels l’Histoire ne demanderait plus de comptes. Albert Solé, La fin de la fugue, Carlos Álvarez, Sigfrid Monleón, Imanol Uribe, Citoyen Negrín, Josu Martínez, Défense de se souvenir, Lluis Miñarro, Familystrip, proposent, eux, à travers leurs documentaires, d’autres regards sur la période, posant les questions essentielles entre l’éthique de la résistance et le mythe et la réalité de l’Histoire pour mieux nous faire rentrer dans une nouvelle ère, celle du témoin.
En politique comme au cinéma, en politique en même temps qu’en cinéma, la chance semble être ailleurs et c’est vers ces endroits incertains, plus passages que lieux, hantés plus qu’habités, secoués par les étranges jeux des images, des miroirs, du langage et du désir, que cette 21e édition voudrait nous transporter.

Pilar Martínez-Vasseur

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Affiche FCEN 2011 - homme

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Chronique du 21e Festival du Cinéma Espagnol de Nantes

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Le Festival dans la presse

Retrouvez le 28e Festival du Cinéma Espagnol de Nantes dans la presse française et internationale.

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