Alcarràs (2022)

LES LIGNES DU PRÉSENT

 

Le cinéma espagnol se porte bien, en témoigne la prodigieuse récolte émanant des jeunes réalisateurs, Jonás Trueba, Carla Simón, lauréate de l’Ours d’or à Berlin en 2022 avec Nos soleils, Rodrigo Sorogoyen et As bestas, sélectionné à Cannes et César du meilleur film étranger en 2023. On peut désormais ajouter Elena López Riera, dont le premier long-métrage, El agua, fut présenté à la Quinzaine des réalisateurs. Les coproductions franco-espagnoles se multiplient, ainsi que la distribution de films espagnols dans les salles de l’Hexagone dont une partie figure dans la section Hors-Compétition du Festival.

Depuis un an, la frénésie festivalière du cinéma espagnol traduit sans doute une remarquable vitalité créative, autant par l’inventivité que par l’audace des thématiques abordées par les cinéastes de toutes générations. En témoigne l’Ours d’argent à la meilleure interprétation remporté, à la récente Berlinale, par la jeune actrice Sofía Otero, pour le film de Estibaliz Urresola, 20.000 especies de abejas sur la transidentité enfantine. Son court-métrage Cuerdas est en compétition à Nantes.

Regards et récits au féminin

Seront présentes sur les écrans les œuvres d’Isabel Coixet, Pilar Palomero, Alauda Ruiz de Azúa, Elena López Riera, Carlota Pereda, Isa Campo, Andrea Bagney… Nombre de leurs films se construisent autour des figures féminines, au prisme desquelles sont abordés les conflits intergénérationnels, la quête des racines ou la quête de soi, la confrontation aux regards extérieurs ou les traumatismes de l’enfance qui ne sont pas sans rappeler le chef d’œuvre de Carlos Saura, Cría cuervos, auquel certaines se disent redevables. Une exposition leur sera consacrée à Cosmopolis dans un jeu de regards avec le photographe Óscar Fernández Orengo.

Les territoires parlent de nous

Des thématiques récurrentes parcourent ce cinéma depuis 2021 ; elles apparaissaient déjà dans l’histoire du cinéma espagnol : les différentes formes d’exode, les relations entre monde urbain et néoruralités, voire certains allers-retours entre deux mondes qui ignorent tant le « territoire d’à côté » (La aldea maldita, Suro, As bestas, Nos soleils, El agua). Les cinéastes donnant ainsi voix à un monde rural qui refuse d’être condamné à l’oubli.

Incarner plutôt que jouer

Serge Daney écrivait que « les acteurs sont l’essentiel du dialogue entre les cinéastes »… Carmen Maura et Luis Tosar en font partie et le public pourra vibrer à cette alchimie de ceux qui ne jouent qu’au « Je » de leurs vérités.

Tradition et modernité éclateront

Pour clore l’édition, sur la scène du Théâtre Graslin avec un concert exceptionnel autour d’un chef d’œuvre du cinéma muet des années 30, La aldea maldita, de Florián Rey, accompagné par la création musicale du compositeur Raül Refree.

Carlos Saura

Evoquer la disparition récente de Carlos Saura, réalisateur de 50 films, mais aussi photographe, écrivain, peintre… c’est rembobiner le fil de l’histoire de l’Espagne et de son cinéma. On vous propose de découvrir sa dernière réalisation, Las paredes hablan (2022), et revoir ¡Ay, Carmela! (1990) et Cría cuervos (1976) en présence de sa femme, l’actrice et réalisatrice Eulàlia Ramón et de sa fille la productrice Anna Saura.

L’avenir pour Saura était de toujours… « faire un film ».

Pilar Martínez-Vasseur