CYCLE GUERRE CIVILE

Guerre civile espagnole : cinéma, histoires et fictions (1936-2016)

Pensant, comme Marcel Oms, auteur d’une magistrale étude sur La guerre d’Espagne au cinéma, que le XXe siècle a, par bien des aspects, « la mémoire que le cinéma lui a faite », il nous a semblé légitime de choisir dans l’immense production née de cet événement historique majeur quelques films qui évoquent des aspects significatifs de ce qui fut à la fois une cruelle guerre fratricide et une lutte opposant fascisme et démocratie dans l’Europe toute entière.

Les trois premiers titres de ce cycle : Espagne 1936 (1937), L’Espagne vivra (1939) et Espoir, sierra de Teruel (1939, 1945), sont contemporains du conflit. Il s’agit de films de propagande, favorables à la cause de la Seconde République, qui dénoncent la politique de non-intervention de la Société des Nations, rappellent que « le sort de la France est lié à celui de l’Espagne » et s’inquiètent de la mise en péril de la paix de l’Europe.

Pour l’abondante production espagnole qui évoque la guerre civile au cours du long règne du Caudillo, de 1939 à 1975, nous n’avons retenu que deux films. Le premier, Rojo y negro (1942), titre qui fait référence aux couleurs du drapeau phalangiste, dont l’on a longtemps cru qu’il n’existait plus de copie, évoquait les amours entre Luisa, une jeune phalangiste, et Miguel, un militant communiste. Jugé inopportun, il avait vite été retiré de l’affiche et cette décision avait été l’une des manifestations de la perte d’influence de la Phalange dont Franco se méfiait. Quant à Anna et les loups (1972), il s’agit d’un film représentatif de tout un courant de cinéma critique, né dès la fin des années 50, avec des artistes opposés à la dictature et qui essayaient, malgré la censure, de dénoncer les vices de la société dominée par les vainqueurs de la guerre et les profiteurs du régime.

En 1995, Fiesta de Pierre Boutron plongeait également dans les horreurs de la guerre, au Pays Basque cette fois, et montrait l’épuration féroce et quasi jouissive dans les régions « libérées » par les nationalistes. Cette même année était tourné Land and freedom, film espagnol de Ken Loach dont le titre fait référence au journal Tierra y Libertad que publiait la Fédération Anarchiste Ibérique. S’inspirant du témoignage de George Orwell, Hommage to Catalonia, Ken Loach montrait clairement pour la première fois, les divisions dans le camp républicain, les luttes entre les partisans du POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste) et de la CNT (Confédération Nationale du Travail) d’une part, et les communistes staliniens qui finirent par s’imposer après les évènements de mai 1937 à Barcelone.

Si l’on garde à l’esprit que c’est le Mal qui a triomphé en Espagne en 1939 et que, comme le déclarait Camus, « c’est en Espagne que sa génération a appris que l’on peut avoir raison et être vaincu et que la force peut détruire l’âme », l’on peut mieux comprendre un chef d’œuvre comme Le labyrinthe de Pan (2006) où Guillermo del Toro, émule de Víctor Erice, s’interroge lui aussi sur l’existence du mal, représenté dans son film par le capitaine Vidal, et sur l’agonie d’un pays qui, comme l’Espagne de 1944, est vue par les yeux d’une fillette.

Enfin, c’est la mémoire qui est au cœur des trois derniers films du cycle qui évoquent les conséquences lointaines du traumatisme de la guerre civile pour beaucoup de familles. Le documentaire, Les chemins de la mémoire (2009) de José Luis Peñafuerte, montre comment l’on peut procéder, à la suite du vote de la Loi sur la Mémoire Historique, à des fouilles dans des fosses communes dont les parents des victimes n’avaient même pas pu s’approcher à l’époque de la dictature. Jorge Semprún, témoin d’exception, rappelle qu’il y a encore beaucoup à faire pour que dans l’Espagne actuelle cesse enfin « la domination de la mémoire des vainqueurs ». Benito Zambrano, quant à lui, évoque dans La voz dormida (2011), l’extrême violence qu’avaient subie les femmes incarcérées après la guerre et le drame des « enfants de rouges » en péril d’être abandonnés ou adoptés par des familles bien-pensantes. Enfin Cartas a María (2015), documentaire de Maite García Ribot, montre que ce sont maintenant les petits enfants qui sentent parfois la nécessité d’enquêter sur leur passé pour essayer de renouer les fils de l’histoire familiale qui leur a été occultée.

 



LES RENDEZ-VOUS À NE PAS MANQUER

À l’Espace Cosmopolis
En partenariat avec la FNAC

ALTARRIBA et KIMVENDREDI 18 MARS / 19h
« Guerre civile espagnole : Histoires et Fictions (1936-2016) »
Antonio Altarriba et KIM, autour de leur bande dessinée L’art de voler.

 

MARTINEZ-MALERSAMEDI 19 MARS / 15h45
« Espagnols et Français : Histoires partagées entre guerres, exils et solidarités (1936-1975) »
Odette Martinez-Maler, autour de son ouvrage L’Espagne, passion française. 1936-1975.

 

SALVAYRESAMEDI 26 MARS / 16h
Lydie Salvayre
Autour de son roman Pas pleurer. (Prix Goncourt 2014). Suivie d’une séance dédicace.