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Les 3e Rencontres du Cinéma Espagnol de Nantes dans la presse

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Rosa Vergès, réalisatrice de Boom, boom

 

 

Invitée par le département d’études hispaniques de l’Université de Nantes, Rosa Vergès ouvrait, mercredi, le cycle de cinéma espagnol qui se déroule au Cinématographe jusqu’au 28 janvier. Portrait d’une jeune réalisatrice pour qui l’amour est une comédie.

 

On peut vouloir mettre en scène une histoire d’amour moyen-âgeuse entre chrétiens et musulmans puis tourner, au final, une comédie urbaine sur le nouveau désordre amoureux. Rosa Vergès en a fait l’expérience avec Boom, boom, un premier film enjoué qui fait la part belle aux situations convenues du genre pour conter le coup de foudre de deux voisins de pallier : « J’avais écrit un scénario d’inspiration médiévale, mais il est difficile de fédérer des financiers autour d’un tel sujet, cher à priori, surtout pour un premier long-métrage. De retour d’une réunion, la productrice dont c’était la première expérience cinématographique m’a proposé de travailler sur un mode plus contemporain. D’abord je l’ai mal pris, puis je suis partie en voyage, avec Tristan et Iseult comme livre de chevet. Au retour, sans pour autant renoncer à mettre en scène une histoire d’amour, j’ai commencé à travailler sur Boom, boom. »

 

Un château en Espagne

Mais là ne s’arrête pas le scénario à rebondissement de cette histoire de cœur et de voisinage avec chassés-croisés et quiproquos. « Un radio-cassette sous le bras, je suis partie voir mes amis, mes voisins pour construire le scénario de ce que je croyais être un documentaire sur l’amour à Barcelone, sur les signes de l’amour dans une ville. Ce qui, il faut l’avouer ne ressemble pas tout à fait au film qu’on peut voir aujourd’hui sur les écrans. J’ai su que c’était une comédie quand, j’ai vu le public rire et sourires aux premières projections. »

 

C’était à l’été 1990, Pretty Woman sortait en Espagne. « Ils ont dépensé en promotion le même budget que moi pour tourner Boom, boom.«  Qu’importe, dans un pays colonisé à 90% par le cinéma américain, Rosa Vergès a tout de même réussi à se faire une petite place au soleil.

 

Sélectionnée au Festival de Chamrousse, distribuée en version espagnole, catalane et française, la comédie interprétée notamment par Viktor Lazlo rencontre à chaque projection un public enthousiaste. Pourquoi ? À n’en pas douter parce que les histoires de cœur sont indémodables et universelles : « L’amour nous surprend toujours. C’est quelque chose d’incontrôlable. » Même pour une jeune cinéaste espagnole qui avoue bien aimer les contes de fées, mais ne pas y croire et préférer les vertus de l’imagination. Ce dont Rosa Vergès ne manque pas, comme d’opiniâtreté. Son prochain scénario mettra en scène un Japonais amnésique suite à un accident qui déambule dans les rues de Barcelone à Noël. Une étape en attendant de mettre en scène son histoire d’amour  médiévale. Elle sait déjà le château en Espagne où elle se déroulera.

 

Yves Aumont

Ouest France, 17-01-1992, page 17 

Il n’y a plus de Pyrénées

 

 

Le cinéma espagnol a fait revenir à Nantes Féodor Aktine en compagnie de Cristina Marcos. Rencontre où il a été question de Pedro Almodóvar…

 

Rencontre Cristina Marcos et Feodor Aktine, revient à fréquenter quasiment en direct, le réalisateur pour lequel ils ont tourné dans Talons aiguilles, autrement dit Pedro Almodóvar. Avant même d’évoquer la projection au Cinématographe, du film qui les réunit tous deux sur l’écran, Continental de Xavier Villaverde, il est bien évidemment question du maître. Sur fond de la quinzaine « 1992 : la découverte de l’Espagne ».

 

« Pedro Almodóvar est d’une exigence comme je n’avais jamais vue! », s’exclame Feodor Aktine, Othello nanto-shakespearien par la grâce d’Hervé Tougeron. « Il maintient tout au long d’un tournage une rigueur bouleversante. Il est attentif à tout. Non seulement à la façon dont on joue, mais à la position d’une main, à l’esquisse d’un sourire… C’est comme un architecte qui refuserait qu’un arc-boutant ait une vie propre. »

 

Et quand on avoue avec humilité, que Talons aiguilles plonge dans la plus totale perplexité, la réaction est immédiate : « L’ambigüité, il la veut, il la créée. Il maintient cette idée avec une force incroyable. Il fait preuve d’un polymorphisme qui lui permet d’atteindre tout le monde. »

 

Si dans Talons Aiguilles, Feodor Aktine incarne à la fois l’amant et le mari, avec la superbe d’un mâle un peu lassé par ces dames, Cristina Marcos est une assistante sociale de choc. Elle avait été justement remarquée par Almodóvar dans Continental, tourné en 90. « Un drame antique, une véritable tragédie grecque, souligne Feodor Aktine, dans un cadre théâtral sans référence de lieu ou d’époque… Avec les ingrédients du baroque, une ironie profonde de la part des personnages… »

 

Cristina Marcos a déjà tourné dans plusieurs films et joué pendant plus d’un an sur une scène de Madrid dans une pièce peu connue de Lorca, Así que pasan cinco años« Quand Almodóvar a appelé pour me rencontrer, raconte Cristina Marcos, après avoir vu Continentalje n’y croyais pas. Je lui ai demandé alors à quelle date étaient fixés les essais, et il m’a répondu que ce n’était pas la peine. Je suis tombée à la renverse… Pour le rôle dans Talons aiguilles, j’ai rencontré cinq assistantes sociales. Et j’ai fait un mélange… Mon prochain rôle ? Je ne sais pas mais j’aimerais jouer tous les grands rôles féminins du répertoire, lady Macbeth, la mégère apprivoisée, Célimène… »

 

Feodor Aktine qui garde de son Othello nantais une émotion inoubliable « Un des plus grands souvenirs de théâtre de ma vie », tout en regrettant que la pièce n’ait pas pu tourner, vient de jouer dans le dernier film de Jean-Pierre Mocky, Ville à vendre. Il y incarne un pharmacien bossu, vendu, suant : « C’est absolument génial. »

 

Sinon, le comédien ne cache pas qu’il a envie de se lancer dans la réalisation. Il a plusieurs projets de courts-métrages et un long : « Ce serait une histoire d’amour entre une petite fille surdouée qui fait régner la terreur autour d’elle et un quinquagénaire, homme de peine, travaillant dans une administration. Bref la rencontre de ces deux solitudes… »

Feodor Aktine jure qu’il ne se mettra pas en scène : « Je ne sais pas comment on peut faire pour être des deux côtés de la caméra à la fois. »

Et s’il venait tourner à Nantes ? Avec Cristina Marcos évidemment…

 

A.P.D.

Presse Océan, 27-01-1992

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