Cycle féminin

Pour cette 24e édition, le Festival du Cinéma Espagnol de Nantes consacre une partie de sa programmation à la création artistique au féminin. Au programme de ce cycle « Filmer au féminin / Le féminin filmé » : 18 courts et longs-métrages, des rencontres avec les réalisatrices invitées pour l’occasion (Mar Coll, Judith Colell, Mireia Gabilondo, Aizpea Goenaga, Isabel de Ocampo, Inés París et Helena Taberna), une table-ronde, deux expositions et une installation vidéo.

Le cycle « Filmer au féminin / Le féminin filmé » est organisé en partenariat avec le magazine Causette et l’Espace Simone de Beauvoir de Nantes.

 

L’image de la femme dans le cinéma espagnol, le « féminin filmé », a radicalement changé avec la suppression de la censure, en 1977, deux ans après la mort du Caudillo. L’église, longtemps associée à la dictature du général Franco, avait jusqu’alors jalousement veillé à chasser des écrans toute représentation des corps susceptible d’exciter les passions.

Comme le rappelle Diego Galán dans son remarquable documentaire Con la pata quebrada / Retourne à tes fourneaux (2013), il y eut même une époque, dans les années 40, où les Actualités Cinématographiques appelées Noticiarios y Documentales (NO-DO) et dont la projection était obligatoire, diffusaient les consignes étonnamment misogynes de la Section Féminine de la Phalange qui incitaient la femme à assumer vaillamment un rôle subalterne dans la société du fait qu’elle avait été « privée du talent de la création, réservé par Dieu aux intelligences masculines ». Le national-catholicisme s’efforçait en fait de prendre le contre-pied de l’idéologie de la Seconde République qui, comme le montre le documentaire de Pilar Pérez Solano, Les Institutrices de la République (2013) voulait former, grâce à une éducation publique mixte et laïque, des citoyennes à part entière qui avaient obtenu, bien avant les Françaises, le droit de vote et celui de disposer de leur corps.

L’idéal féminin du franquisme, de l’épouse soumise et de la mère débordée d’une nombreuse progéniture, fut dynamité par Almodóvar dans Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter cela ? (1984), dans la scène où Gloria (Carmen Maura), se libère de sa brute de mari en l’assommant avec un os de jambon. Après le film remarquable de Jaime de Armiñán et José Luis Borau, Mi querida Señorita (1971), l’image de la femme est devenue problématique avec l’évocation des « troubles du genre » qui ont inspiré de nombreux cinéastes : Vicente Aranda, Eloy de la Iglesia, Ventura Pons, Jaime Chávarri, Pedro Olea… Almodóvar a notamment évoqué les conflits d’identité sexuelle les plus spectaculaires, ceux de la transsexualité, dans quatre longs métrages : La loi du désir (1997), Tout sur ma mère (1999), La Mauvaise éducation (2004) et La peau que j’habite (2011).

Les héroïnes des films récents du cycle « Filmer au féminin / Le féminin filmé», Les mains de ma mère (2013) de Mireia Gabilondo, 15 ans et un jour (2013) de Gracia Querejeta et Nous voulons tous le meilleur pour elle (2013) de Mar Coll sont (peut-être à l’image des réalisatrices) des femmes modernes, actives et souvent stressées qui ont du mal à faire face à leurs obligations professionnelles et familiales.

L’attention portée aux personnages féminins est également notoire dans le film de Chus Gutiérrez, Retour à Hansala (2008) avec l’évocation de Leila, la jeune marocaine qui essaie de survivre en Espagne, et dans Le fléau (2013) de Neus Ballús, sensible à la noblesse des petites gens qui vivent dans une étrange campagne à l’orée de Barcelone. Quant à Helena Taberna, elle a su montrer dans La bonne nouvelle (2008), le courage de l’une de ces « maestras de la República », l’institutrice du village qui n’hésite pas, pendant la Guerre civile, à accueillir le jeune prêtre poursuivi par sa hiérarchie.

La visibilité des femmes cinéastes a toujours été grande au Festival du Cinéma Espagnol de Nantes. Pour preuve les nombreuses lauréates ayant remporté les différents prix ces dernières années : Icíar Bollaín, Isabel Coixet, Pilar Távora, Helena Taberna, Mercedes Álvarez, Ángeles González-Sinde, Judith Colell…

Emmanuel Larraz, historien du cinéma

 

DU CÔTÉ DES SALLES OBSCURES

À travers une sélection de films de fiction et de documentaires, le Festival vous propose de découvrir ou redécouvrir le travail de femmes cinéastes espagnoles de ces 10 dernières années, mais aussi d’aborder la question du  » féminin filmé « . Cette section est composée d’un court-métrage et de 17 longs.

Les rendez-vous à ne pas manquer

DES RENCONTRES & UNE TABLE-RONDE

Le cycle  » Filmer au féminin / Le féminin filmé  » donnera aussi lieu à des échanges et des débats autour de la place occupée par la femme au sein de l’industrie cinématographique et au sein de la société actuelle. L’occasion de créer des ponts entre fiction et réalité…

  • Table ronde « Filmer au féminin / Le féminin filmé »
    En présence notamment de réalisatrices espagnoles Mar Coll, Judith Colell, Mireia Gabilondo, Aizpea Goenaga, Isabel de Ocampo, Inés París, Helena Taberna et de Emmanuel Larraz, historien du cinéma et professeur à l’Université de Dijon.
    Jeudi 10 avril, 18h30 – Cosmopolis.
  • Cosmo-rencontre avec le producteur Alexandre Gavras et l’actrice Léa Drucker
    Débat autour du court-métrage Avant que de tout perdre de Xavier Legrand.
    Jeudi 10 avril, 22h30 – Cosmopolis.
    Rencontre au Forum de la Fnac
  • Rencontre-débat sur le thème de « La jeune création espagnole au féminin »
    Avec Mar Coll, réalisatrice catalane, et Emmanuel Larraz, historien du cinéma.
    Vendredi 11 avril, 18h00 – Forum de la FNAC.

DES EXPOSITIONS

Le cycle  » Filmer au féminin / Le féminin filmé  » se prolongera au travers d’une installation vidéo (En casa) et de deux expositions (Femmes sous suspicion. Mémoire et sexualité (1930-1980) et Cherchez le femme).
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