¡ Veinte !

 

L’histoire du Festival est faite de mille instants, rencontres, émotions, irréductibles à un sens unique, à un temps linéaire et plein, ce qui ne veut pas dire que des sens ne soient pas décelables au fil de ces vingt ans.

L’essentiel a été, et continue d’être, cette synergie qui s’est créée entre la cinématographie espagnole, assez méconnue encore en 1990, et le public nantais. L’essentiel reste le cinéma, un monde qui ne connaît pas de frontières mais qui dessine néanmoins ses contours, ses périphéries par l’écriture du mouvement, de la lumière, des images, des sons, des mots, des silences. L’Espagne, communauté imaginaire, est construite et déconstruite mille et une fois par son cinéma. C’est ce qu’auront tenté des dizaines de réalisateurs présents en 20 ans sur les écrans nantais : Buñuel, Bardem, Berlanga, Borau, Camus, Saura, Camino, Aranda, Érice, Olea, Suárez, Trueba, Almodóvar, Armendáriz, Miró, Uribe, Medem, Álex de la Iglesia, Bollaín, Chus Gutiérrez… Une poignée de solitaires, de rêveurs, de pionniers, de voyageurs, plantant les pieux intangibles de la scène politique sur laquelle peut se jouer la représentation-interrogation du monde.

Le Festival célèbre Marisa Paredes, Carlos Saura, Fernando Trueba

Le Festival, qui fête cette année le vingtième anniversaire de sa création, propose une affiche alléchante, offrant un hommage à la grande star Marisa Paredes, consacrant le retour à Nantes d’un cinéaste qui a marqué l’imaginaire des spectateurs depuis plusieurs générations, Carlos Saura, et ouvrant grandes les portes de cette 20e édition par la belle épopée sur le Chili revisité par Fernando Trueba. Une sélection de films (70) qui offre une alternative forte et cohérente à cette splendide vitrine du cinéma d’auteur en Europe. Le Festival assume la revendication d’un regard pluriel sur une cinématographie multiple, l’amour invétéré de la recherche de nouveaux talents (réalisateurs, scénaristes, acteurs…), l’insolence d’un cinéma mineur, le goût affiché pour le documentaire et le court-métrage.

Ils sont nombreux parmi ces films à marquer le retour inspiré de grands (Armendáriz, Almodóvar, Betriu), la confirmation de talents originaux (Amenábar, Coixet, Gabriel, Sánchez Arévalo), la présence de visionnaires (Rebollo, Lacuesta, Villaronga) ou la révélation de réalisateurs prometteurs (Coll, Castón, Planell, Pastor, Naharro, Cobeaga).

Cinémas du réel

Cette édition n’en est pas pour autant déconnectée d’un certain désarroi politique décliné sous forme de drame ou de comédie. L’échec des utopies révolutionnaires, l’effacement de la mémoire historique, la dislocation sociale produite par la mondialisation, la perte des solidarités collectives et des repères individuels sont au cœur d’un certain nombre des œuvres proposées. Une grande récurrence qui ne relève pas du hasard ; elle est le signe, dans un monde en proie à l’uniformisation, d’un cinéma de la complexité, de l’incertitude et du doute.

Volver…

Mais le cinéma est aussi fait pour entendre chanter Volver, ce tango dont le refrain parle de cet homme revenu dans son village après vingt ans d’absence…

«Veinte años no es nada »
(vingt ans, ce n’est pas grand-chose…)

 

Pilar Martínez-Vasseur