Un poco de chocolate

LE CINÉMA ESPAGNOL : PROJET D’AVENIR(S)

 

ÊTRE LÀ, ÊTRE AUJOURD’HUI

Atypique : Dès l’origine, le Festival du Cinéma espagnol de Nantes s’est imposé comme passage de rêves mais aussi d’histoire(s) entre deux cultures. Avec le Pays basque et San Sebastián, l’Aragon et Saragosse, partenaires de longue date, la Catalogne et Barcelone en 2009, il sert également de passeur entre les politiques culturelles, économiques et sociales de villes et régions des deux côtés des Pyrénées. Éducatif et formateur : le Festival assume, depuis sa création, son rôle auprès de jeunes publics, et propose des films en milieu pénitentiaire. En dehors du débat manichéen entre un cinéma « commercial » et un cinéma «d’auteur»: tous les cinémas trouvent ici une place, toute leur place.

ALLER AILLEURS : DE NANTES À BARCELONE

De l’Atlantique à la Méditerranée, le Festival propose un voyage éclair vers « le Paris du Sud », « la rose de feux », « la ville des bombes », « la ville des prodiges », « la cité des avant-gardes»… : noms donnés à Barcelone entre 1888 et 1930 et qui restent d’actualité. Albert Serra, Sílvia Munt et Jaime Camino, Pere Portabella, José Luis Guerín ou Ventura Pons, Francesc Betriu, Rosa Vergès ou encore Jaime Rosales et Juan Antonio Bayona… tous ces cinéastes catalans explorent le maillage touffu d’un temps mythique pour certains, réel pour d’autres et qui tend toujours vers l’universel.

MIEUX COMPRENDRE NOTRE MONDE

En dépit de la gravité des thèmes abordés (réalité et lucidité obligent), une partie des œuvres de la sélection, inédites en France pour la plupart, ne cèdent ni à la sinistrose ni au misérabilisme. Pas d’accent mélodramatique dans la chronique d’une mort annoncée, tournée par Antoni P. Canet (Les ailes de la vie), ni dans la quête mémorielle entreprise par Albert Solé (Bucarest), pas plus que dans la dislocation et les ruptures sociales produites par la crise dans El truco del Manco (Zannou), dans Nevando voy (Muruzabal et Figueira) ou encore dans Una palabra tuya (Ángeles González Sinde). Critique, enfin, dans Camino (Javier Fesser) des dérives sectaires de l’Opus Dei.

Le départ, l’exil, l’exclusion, sont quelques-uns des thèmes développés au cours de cette édition. Un cinéma d’errance, des frontières qui séparent moins les États que les individus : Retour à HansalaUn fiancé pour YasminaPaisitoÉtrangersFleurs de LuneLa Zona.
Plusieurs films évoquent également la dérive terroriste ou identitaire mettant en scène, au Pays basque, des révolutionnaires dévoyant leur cause, voire des rebelles sans cause (Un tir dans la têteL’enfer basqueLa maison de mon pèreNous sommes tous invités).

REVENIR SUR LE PASSÉ, AUSSI

Capitaine Alatriste, imaginé par Pérez-Reverte, s’émancipe de son monde romanesque, tout autant que Obaba prolonge le récit de Bernardo Atxaga. Les tournesols aveuglesLes 13 rosesLa Bonne Nouvelle, ou encore Le long hiver, côté fiction ; côté documentaire, Hollywood contre FrancoEn regardant le cielL’honneur des injures montrent que la Guerre civile espagnole continue d’affecter les manières de filmer, de raconter, de montrer – et de ne pas montrer. Guerre que certains pensaient « avoir gagnée, alors qu’ils avaient perdu la paix». En témoigne Barcelone (un plan), de Ventura Pons, film d’ouverture de cette 19e édition, métaphore politique d’une ville entre 1939 et 2007.

ALLER VERS DEMAIN

En ces temps de crise, le cinéma et la culture en général devraient être pensés et valorisés, plus que jamais, comme acteurs de la vie économique, lien social, ouverture vers d’autres mondes, d’autres imaginaires et enfin comme moteurs d’avenir. Cette 19e édition s’en voudrait le reflet.

Pilar Martínez-Vasseur