7 films, 15 jours, pour retrouver ou découvrir classiques et inédits, chefs-d’œuvre et productions intéressantes…
Un débat pour proposer hypothèses et interprétations sur les liens entre l’Espagne et son Cinéma, sur l’irremplaçable apport des représentations cinématographiques pour la connaissance d’une société…

Le cinéma affirme ainsi que, bien avant la mort de FRANCO, des voix divergentes se sont faites entendre et ont eu une audience. Les œuvres de Carlos SAURA et le film de Victor ERICE, « L’esprit de la ruche » (1973) sont là pour en témoigner. Mais c’est bien sûr après le 20 novembre 1975 que la parole est totalement libérée.

L’Espagne retrouve ou découvre des discours multiples sur la Guerre Civile ou le Franquisme au point qu’on peut se demander si ces deux sujets ne sont pas en train de devenir un véritable genre cinématographique. Le pays se regarde, se montre, s’analyse, se raconte tel qu’il est dans sa réalité, ses pulsions, ses fantasmes et son histoire.

Nous trouvons le thème des francs-tireurs, du  » maquis  » des années de l’après-guerre dans « Le cœur de la forêt » (1978), de Manuel GUTIÉRREZ ARAGÓN. Les sombres années 40 écrasent les personnages de « Manolo » ou « El año de las luces » (1986) de Fernando TRUEBA.

L’asthénie imposée par la dictature imprègne les films et le besoin obsédant de récupérer cette mémoire collective mène certains cinéastes, dont Josefina MOLINA dans « Esquilache » (1988), à plonger dans le XVIIIème siècle pour nous présenter une réflexion sur la politique et l’influence des « Lumières » en Espagne. Ce siècle méconnu est l’un des plus fascinants de l’histoire espagnole.

Carlos SAURA, lui, va opérer un retour au Siècle d’Or pour se pencher sur Saint Jean de la Croix, poète mystique mort en 1591. C’est pour le cinéaste un thème récurrent qu’il avait abordé indirectement dans « Maman a cent ans » ainsi que dans « Ana et les loups« , « La nuit obscure« , réalisé en 1989, montre un SAURA plus intéressé par l’homme que par l’époque et l’espace dans lequel il vit.

L’âme tragique espagnole, mais aussi l’Espagne moderne de la MOVIDA, avec ses délires, ses comédies, son rire débridé et sa vie éclatée, seront les thèmes que l’on rencontre (déjà) dans un des films de Pedro ALMODÓVAR « Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? » (1984). Des clichés bafoués dans une accumulation jubilatoire et irrésistible…

Le rire iconoclaste et la parodie libératrice sont également au centre de « Attends-moi au ciel » (1987). Loin de la fable mythologique, c’est à un personnage mythique, mais bien réel de l’histoire récente, rien de moins que le général FRANCO, que Antonio MERCERO a imaginé de donner un double pour mieux déboulonner sa statue par la dérision la plus féroce. Une façon pour le cinéma d’exorciser définitivement son passé.

C’est peut-être que cette nouvelle Espagne a retrouvé le goût de la subversion, le droit au sacrilège, le plaisir de la satire et qu’après avoir pleuré pour hier, on peut enfin rire d’aujourd’hui.

 

Pilar Martínez-Vasseur